vendredi 23 août 2013

De la démocratie en France

Combien de fois n'ai-je entendu clamer la phrase rassurante "La démocratie est le pire de tous les régimes, à l'exception de tous les autres", ou vanter notre système contre ceux soumis au joug des "dictateurs" de Libye ou Syrie, ou encore louer les bienfaits de la République et de l'émancipation révolutionnaire qui nous ont éloignés à jamais de la tyrannie absolutiste.

Il convient aujourd'hui de faire le point sur ce que l'on nomme démocratie. Que ce soit pour délégitimer la Royauté ou Kadhafi ou pour justifier la Terreur, les génocides, la haine des Lumières et les destructions de notre patrimoine culturel, ce mot dirimant assure le locuteur d'une victoire argumentaire certaine, sans jamais que l'esprit cherche à le définir et à en circonscrire son illusoire portée symbolique. La Suisse ? démocratie. La France ? démocratie. La république athénienne ? démocratie. L'Algérie ? démocratie. La Russie ? dém... Ah non là ça ne marche plus, Poutine est un dictateur car il a été élu avec trop de voix.

Sans être plus démocrate que cela, même si j'envie profondément la Suisse et ses référendums d'initiative populaire, je vais m'attacher à montrer que la France n'a de la démocratie que le nom, lequel aveugle notre esprit critique de ses vains oripeaux.

Est-ce par le droit de vote ?
Le droit de vote incarne l'idéal des moyens d'expression de la volonté populaire, et assure le pouvoir décisionnel de la majorité. Mais décision de quoi ? Au lieu que chaque sujet important soit soumis au plébiscite populaire, la démocratie représentative française exige que vous élisiez un représentant une fois tous les 5 ans qui devra se charger de veiller à transmettre vos volontés par le biais parlementaire ou présidentiel. Il y a fort à parier que la tête de liste du parti pour lequel vous allez voter ne corresponde que partiellement à vos attentes. S'il garantira la représentativité de votre opinion dans certains cas (dût-il ne pas se tromper comme Mrs Guaino et Châtel), infailliblement il faillira dans d'autres. Ne pesteriez-vous qu'au restaurant, doté d'une carte débordante et inégale, vous soyez contraints de vous confiner à deux menus possibles figés, entrée plat dessert fromage boisson ? Ainsi, doit-on devoir décider tout à la fois de la politique monétaire de la France, de l'euthanasie et de l'avortement, de la disparition des frontières, de la politique étrangère, de la famille, de la Défense, de la Justice, de l'Education, des redistributions sociales et de l'imposition ? Glisser un bout de papier dans une urne chaque lustre n'est assurément pas le plus clair moyen de faire entendre sa voix.
De plus, quelle est la vraie démocratie ? Celle qui n'écoute que la voix de la stricte majorité - et qui rend stérile toute tentative d'exporter ce système dans les pays africains où ne se joue que l'ethno-mathématique tribale - en délaissant les positions minoritaires ? Celle qui écoute en proportion et qui semble plus juste ? Le mécanisme d'élection des députés s'en éloigne autant que possible (1 élu FN, et deux affiliés extrême-droite pour 577 membres de l'Assemblée Nationale, soit 0,5 %), aidé par le jeu très peu démocratique du barrage au FN. Enfin, le spectre du vote électronique obscurcit davantage le futur de ce moyen d'expression.

Est-ce par nos institutions ?
La démocratie est le pouvoir du peuple. Celui-ci a-t-il moyen d'exprimer ses souhaits de manière directe, puisque nous avons vu que l'élection n'autorise qu'une expression simplifiée et sans nuance ?
Après le mensonge répété ad nauseam depuis notre enfance de l'équivalence entre élection et démocratie, les politiques ont rajouté dans la Constitution, pour rendre tout cela plus crédible (tiens donc la Constitution se modifie comme cela, dans notre dos ?), le référendum d'initiative partagée et en ont récemment entériné les modalités d'application. Texte voté à l'unanimité, où l'on exige proportionnellement 8 fois plus de signatures qu'en Suisse et 9 fois plus qu'en Italie, soit 4,5 millions de signatures. Ce n'est pas de là que viendra notre salut, et nous n'avons qu'à placer notre confiance en nos représentants.
Une fois élus, nos hommes politiques sont soumis à des incitations ou des injonctions qui n'émanent plus du tout du peuple, mais de groupes de pressions dont la force de conviction croît moins en fonction de l'intérêt général qu'en fonction de leur richesse et des perspectives de carrière qu'elle offre au député. Imaginez donc que le peuple s'entende pour mettre fin au taux d'intérêt qui nous contraint au besoin de croissance, ou qu'il décide de légiférer sur les vaccins, pilules ou médicaments inutiles ou nocifs, quel homme politique serait assez courageux pour s'y atteler ? Il finirait au mieux écarté, s'il échappe au sort de Lincoln ou Kennedy. Réciproquement, de quel consensus démocratique aurait pu émerger la volonté d'obliger les Etats à ne plus emprunter qu'aux banques privées, à des taux d'intérêt largement supérieurs à ceux précédemment en vigueur avec les banques centrales, comme la loi votée le 3 janvier 1973 ?
Si la remontée de nos doléances peut toujours attendre en France, que dire de l'Union Européenne ? Étonnamment, les thuriféraires de la démocratie soutiennent avec la même fougue l'Europe, dont les chefs brillent par leur anonymat ou par leur passé douteux, dont les 5000 lobbyistes œuvrent à leur bien particulier, dont l'autorité nous défait de notre souveraineté législative et économique, dont les salairesabus et moyens d'action face aux opposants n'honorent point la vertu, dont le bilan contraste en tout point avec ses objectifs originels, dont les abscons traités refusés par référendum furent passés en force, et pour laquelle nos moyens de contrôle sont inexistants.

Est-ce par notre éducation ?
Filons la métaphore et paraphrasons Orwell. Supposons que vous ayez éduqué votre fils en lui apprenant le mot pomme et le mot poire. Demandez-lui un dessert, il sera bien incapable de vous commander un moelleux à la pistache, et tout aussi peu de même le vouloir. Est-ce là la liberté chérie ? Bien que le mythe de notre système éducatif commence à s'écorner, tout juste, les Français planent encore dans l'illusion qu'ils sont aptes à la réflexion, lucides, et cultivés. Comment se pourrait-ce ? En se levant, ils écoutent Lagardère, dans le métro ils lisent Bolloré, le soir ils regardent Bouygues. Ils se croient pourtant au-dessus de la propagande, comme si les Russes avaient été plus bêtes qu'eux en lisant la Pravda sans faire la part des choses. Ils savent qu'on leur ment à longueur de journée, mais ils sont persuadés d'être personnellement imperméables aux mensonges incessants des organes au pouvoir et de leurs séides attitrés. Pour bien annihiler toute possibilité d'émancipation, on leur raconte, comme on le faisait en appelant fasciste tout ce qui n'était pas communiste, que tous les médias alternatifs sont, justement, fascistes. Une fois bien cadenassés idéologiquement, les médias aux ordres peuvent désormais exercer sur nous leur monopole éducatif : consommez, triez le papier, jouissez, ne vous élevez pas, pendant que se joue le cirque politique. Appelons pomme la gauche et poire la droite : quel goût différent ! Choisir un autre fruit ? Sacrilège. Les refuser tous deux ? Anti-civique. Ou comment la nomenclature fallacieuse droite/gauche dissipe la moindre nuance intellectuelle en nous contraignant au bipartisme et à l'alternance unique. Privés d'éducation, nous ne pouvons aspirer à la pleine liberté du bon choix.

Est-ce par notre droit à la contestation ?
Si malgré tout cela, votre réflexion vous mène en dehors de ce que l'élite a déclaré bon, par quel biais pouvez-vous exprimer votre mécontentement, hormis dans les discussions de café ? La grève comme moyen de pression ne fonctionne bien que proportionnellement à la capacité de nuisance d'un arrêt de travail ou d'un blocage massif. Peu évident pour un ensemble disparate, à moins de bloquer des centres stratégiques comme la Défense. Les recours constitutionnels manquent, et contrairement à la Suisse où les grandes lois peuvent être issues de simples pétitions, sont d'emploi peu fréquents ; même une volonté populaire marquée dont ont émané plus de 700.000 signatures n'a pu freiner le déroulement dans les hautes sphères de la création d'une loi. Si la plus grande pétition jamais réalisée en France se voit balayée d'un revers de main, quels moyens pacifiques et légaux reste-t-il ? Veilleurs de nuit chahutés, opposants habillés manif pour tous arrêtés, soumis à la garde à vue et à la prise d'empreintes, la démocratie tolère mal ceux qui s'écartent de trop du chemin imposé.

Est-ce par notre éligibilité ?
A ceux qui auraient trop le goût de se plaindre, on rétorque que chacun peut légitimement se présenter à n'importe quelle élection. La belle affaire ! Cela condamne tous ceux qui n'ont ni le temps ni la vocation de se plonger en politique, à savoir une grande majorité. Par ailleurs, dois-je rappeler le prix d'une campagne et les chaînes qui lient ainsi les élus débiteurs ? Quand bien même, le Roi lui-même peinait à faire s'exercer sa volonté face à la noblesse et aux privilégiés ; le Président n'essaye même plus. Dois-je rappeler avec quel mépris sont traités les soi-disant extrêmes, dans leur cercle proche et plus encore dans les sphères du pouvoir ? Si malgré ces obstacles, vous parvenez à vous financer, et à toucher une partie de l'électorat, les armes pullulent : des règles ubuesques de chasse aux signatures dont le but a été dévoyé, des contrôles fiscaux en pagaye (17 contrôles fiscaux pour Jean-Marie Le Pen), des procès à répétition, des mensonges confondants sur la gestion budgétaire des maires de droite nationale, des agressions, et des levées d'immunité parlementaire chez les indésirables. Engagez-vous qu'ils disaient.

Est-ce par notre liberté d'expression ?
La France est une démocratie puisqu'on y jouit de la liberté d'expression. Enfin, bien sûr, dans la juste mesure du respect des lois. J'ai donc le droit de dire qu'il y a plus de gens colorés en prison que de blancs ? Ah non, c'est scandaleux ! Et faux ! Et même si c'était vrai, cela relèverait de l'incitation à la haine raciale. Ai-je le droit de dire que les références en surenchère à la Shoah justifient le musellement de toute critique de la communauté juive ? Haine raciale également. Quant à mettre en doute ne serait-ce que les chiffres de la macabre entreprise, c'est la loi qui l'interdit - et je n'ai ni les connaissances ni le courage têtu de Vincent Reynouard. La majorité des avis ne tombe pas sous le coup de la loi ; c'est pourquoi toute pensée gênante est systématiquement ramenée à des positions condamnables : les critiques étayées des exercices de mensonge et de propagande sont estampillées complotistes, et donc antisémites. Ainsi de toute idée de morale entravant le sacro-saint commerce - fût-il du corps et de l'amour -, qui ne pourrait que fleurir sur de l'humus antisémite. A quand remonte la dernière apparition de la faconde soralienne ?

Le bilan (provisoire)
Système irréprochable ? financements au culte islamique généralisés malgré la loi 1905, ministres massivement corrompus.
Satisfaction ? cote de popularité des dirigeants et indice de bonheur des français au plus bas.
Economie ? chômage en hausse, crises gigantesques à venir, délitement accéléré de la société et de l'Etat (Etats-Unis, Grèce) parallèlement à celui de l'environnement.
Société ? délabrement de l'école, ethnicisation des rapports communautaires, perte du sentiment national, individualisme grandissant, abandon de l'idée de Morale.
Mais nous n'avons plus de famine et nous sommes soignés. Certes, mais cela tient-il réellement à la nature du système pseudo-démocratique ? Le progrès naquit-il en 1791 ?

Et pourtant, avant le grand Renversement, l'ignorance la paresse et l'orgueil de l'occidental le contraindront à affirmer avec Churchill que la démocratie est le meilleur des régimes. Sans jamais remettre en question ce douteux adage, ni reconnaître que notre monde s'apparente mieux désormais à une oligarchie ploutocratique qu'au régime idéal dont on lui fait miroiter l'existence depuis tout petit. Pis encore, nous sommes assez crédules, avec un système si imparfait, pour accepter de légitimer les ingérences chez les peuples différents, afin d'exporter la démocratie comme avant l'on avait le devoir de civiliser les races inférieures. Les anticolonialistes d'aujourd'hui sont souvent les premiers à s'investir de cette nouvelle mission, néo-colonialisme ethnocentriste qui refuse de voir la différence entre les peuples, comme le maréchal Lyautey l'avait si bien compris au Maroc, qui refuse de voir les batailles stratégiques à peine cachées derrière les arguments béhachéliens, qui refuse de voir que les modes de vies tribaux africains ne s'accordent nullement avec le one-man one-vote. Il est donc d'autant plus malaisé de critiquer la démocratie qu'elle constitue avec les 'droits de l'homme' l'alibi idéal des gouvernements occidentaux pour engager des conflits.

Alors, combien encore d'élections en France ? Prenons les paris.